Quand être riche ne fait plus rêver

Il y a une petite année j'avais chroniqué le phénomène anti-riches qui gagnait en popularité sur Tiktok sous le hashtag #EattheRich. Ce mouvement s’indigne de la manière dont certains ultra riches dépensent leur argent. Elon Musk, patron de Tesla ou Jeff Bezos, patron d’Amazon sont les principales cibles. Les exemples en dehors d’Internet se multiplient depuis lors. Il s’agit par exemple d’un glacier à Brooklyn aux USA qui a créé l’été dernier des glaces à l’eau à l'effigie de ces ultra riches. L’accroche est simple : EattheRich, s*** Bezos, Zuckerberg ou encore Bill Gates. (Pour 10 dollars tout de même).

GeoNews - VIDEO: 'Eat the rich' ice creams shaped like Jeff Bezos, Elon Musk

Cette tendance à considérer le riche comme étant l’ennemi public numéro s’observe aussi de plus en plus dans la culture populaire. J’évoque en particulier les productions de série et de films pour le cinéma.

Le plus bel exemple est sous aucun doute le film suédois Triangle of sadness - traduit par Sans filtre - en français, palme d’or à Cannes en 2022. Ce film magistral est une satire sociale qui se déroule d'abord à bord d'un yacht de luxe et ensuite sur une île au milieu de nulle part. Dans cette satire sociale, les riches ne font pas rêver. Au contraire, ils nous dégoûtent, ils sont idiots et s'ils sont riches ils sont forcément mauvais et égocentriques. Ce sont des influenceurs, des Russes marchands dans l'industrie agricole, des nobles ou encore des retraités d'une fabrique d'armes.

Il est également question de riches dégoûtants et idiots dans le film “Le Menu” disponible sur Disney+ . Ce film raconte le plan machiavélique d’un Chef étoilé qui a décidé de réunir une belle brochette de riches dans son restaurant situé sur une île pour qu’ils ne puissent jamais repartir. En excellant dans son travail, ce chef cuisinier a peu à peu cuisiné uniquement pour les plus riches de ce monde. Ce qui l’a vraisemblablement rendu très amer.

Les exemples de production dans lesquels les riches sont à la fois bêtes, méchants et dégoûtants se multiplient. Pretty Woman ne pourrait sans doute pas sortir aujourd’hui. Ni Sex and the City, où tout le monde il est beau et tout le monde il est riche.

La publicité quant à elle s’empare de ce mouvement de façon plutôt amusante et non méprisante. Il n’est pas question de diaboliser les riches. Car en publicité, les codes qu’on associe aux riches - être beau / belle, bien coiffé, bien maquillé, bien habillé, ce sont surtout des codes esthétiques. Et soyons honnêtes, il faut s’enrichir pour assouvir tous les besoins que la publicité crée en nous. Ce serait donc un peu hypocrite voire contradictoire de fustiger les riches. Par contre, il est important de tenir compte du contexte socio-économique. Il y a un appauvrissement réel de la population. Embrasser cette tendance anti-riches, c’est aussi embrasser une certaine libération de la parole par rapport à l’argent, ce qu’on peut se permettre ou pas. En le faisant de manière amusante ou légère, cela permet de se positionner ou de réaffirmer son positionnement d’être une marque accessible à tous.

C'est par exemple la marque Intermarché en France :

C'est aussi la marque américaine Kayak, un comparateur de voyages en ligne. Kayak a réalisé une série de spots vantant les prix bas en nous donnant un instant l'illusion d'être riches.

Une manière amusante de dire que d'être riche ne nous rendra pas plus malin, qu'on ne fera sans doute rien d'intéressant et qu'il n'est surtout pas utile de l'être pour s'offrir des vacances.

De manière plus générale, on observe que le mouvement anti-riches évolue sensiblement. Sous le hashtag #Eattherich, certains expliquent aujourd’hui sur Tiktok qu’ils ne sont pas jaloux de leur richesse mais qu’ils sont indignés de la manière dont les riches dépensent leur argent. Un cruel manque de solidarité et surtout d’imagination. Etre riche ne fait donc plus rêver en plus ça rendrait idiot... un mouvement à suivre.

Chronique diffusée sur La Première RTBF dans l'émission Tendances Première de Véronique Thyberghien et Cédric Wautier le lundi 13 février 2023

A revoir ici